« On n’a pas le choix. Quelque chose au regard de quoi nos plaisirs et nos peines, nos vies, même, ne sont rien, me faisait une obligation sentie, voulue, de chercher à comprendre ce qui, jusqu’alors, nous avait échappé. Savoir, agir enfin à bon escient, lever l’hypothèque des mauvaises terres et des âges révolus sur nos âmes et nos actes, me sont apparus comme une possibilité merveilleuse devant laquelle rien ne tenait, ni le temps ni l’effort ni le vertige. J’ai mis la mort en perspective de cette résolution. Je me suis transporté, en pensée, à l’extrémité opposée, à mon dernier instant. J’ai posé que, au moment où je cesserais d’exister, je saurais tout ce qu’il était permis de l’affaire où je m’étais trouvé impliqué.[...] Derrière cette décision insane, il y a la poussée du grand passé vers la clarté soudaine dans laquelle, en quittant ma petite patrie, je venais d’entrer. C’est ça qui se passe. [...] Nous avons une vie d’homme, l’âge adulte pour disputer aux forces occultes l’otage que nous leur avons cédé, l’enfant que nous avons été. Il nous hèle, du fond du temps, pour que nous revenions disperser les ennemis aux mains desquels il est tombé d’entrée de jeu, et avant cela, encore, dans les limbes, pour le délivrer. Il s’agit de convertir le subjectif en objectif, de rapporter à sa cause, donc de situer hors de soi, ce qui nous est entré dans le corps sans qu’on pût l’en empêcher, ce qui se confondait avec nous, qu’on prenait pour soi alors que c’était un élément extérieur, funeste à notre liberté. » Pierre BergouniouxL’auteur explore les lieux du passé, ceux de l’enfance qu’il entrecroise avec ceux de l’histoire, le passé subjectif en va-et-vient avec le passé historique. C’est le motif de son entreprise d’écrivain qui se dessine ici, et de la tenue de son journal, Carnet de notes.
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