La lettre, dont Venture venait de briser le cachet après avoir longtemps hésité, était, on s'en souvient, écrite par Baccarat au duc de Sallandrera. La comtesse Artoff y mettait le duc au courant de la mystérieuse origine de M. de Château-Mailly, lui rappelait la démarche qu'elle avait faite l'année précédente, à l'effet d'obtenir pour ce dernier la main de Conception, et terminait en annonçant l'arrivée prochaine de ces deux pièces importantes, qui devaient être pour le duc une preuve incontestable de ses droits à devenir le gendre de M. de Sallandrera. Venture relut cette lettre deux fois de suite. - Ah çà ! se dit-il, nous ne sortirons donc jamais de cette lutte éternelle entre Baccarat et sir Williams ou son héritier Rocambole ? Et, en effet, les noms de M. de Château-Mailly et de la comtesse Artoff étaient pour Venture un indice incontestable que Rocambole se mêlait de nouveau à leur destinée d'une façon quelconque. - Qu'est-ce que tu lis donc là ? demanda la veuve Fipart. - Je lis une lettre de femme, répondit-il, une femme qui m'aime... - Ah ! murmura la chiffonnière, vous êtes donc toujours gâté par le beau sexe, monsieur Jonathas ? - Toujours.
Né en 1829, Pierre Alexis de Ponson du Terrail était un vicomte et un écrivain français extrêmement populaire sous le Second Empire. Maître du roman-feuilleton, il a été l'auteur prolifique d'environ 200 romans en seulement deux décennies. Sa renommée est principalement due à la création du personnage de Rocambole. Les aventures de cet antihéros ont connu un succès phénoménal, donnant naissance à l'adjectif français « rocambolesque ». Il meurt à Bordeaux en 1871, laissant la saga de Rocambole inachevée, mais marquant durablement la littérature populaire.